Le végétarisme d’ici, d’hier et d’ailleurs

Le végétarisme d’ici, d’hier et d’ailleurs

Mode utile, voire vitale pour l’humanité, le végétarisme s’inscrit avec insistance dans nos approches de vie occidentales. 

Question parfois encore polémique, nourriture cérébrale de comptoirs, elle est au coeur des enjeux de société comme de nos paradoxes. 

 

D’où vous écrit cet omnivore ?

Je ne suis pas végétarien, peut-être parce que je n’ai pas succombé au bon sens, peut-être parce que j’ai culturellement la viande trop sociale, peut-être parce que je me complets dans une corruption bien aisée de la pensée qui trouvera encore quelque argument pour justifier un omnivorisme de circonstance.

C’est probablement dans ce tunnel cognitif que je m’essaie présentement à faire un tour d’horizon spatio-temporel du végétarisme, car je n’ai nul besoin de trouver les arguments de la pertinence du végétarisme d’un point de vue environnemental tant il est nécessaire.

La consommation excessive de viande produite à échelle industrielle est un désastre sans précédent pour la planète. Nul besoin de développer a priori.

 

Les animaux souffrent peu ou prou lors de la mise à mort, selon la méthode ou le rituel employé. Car de rituel il est bien question à l’origine de la consommation carnée. Si j’évoquais plus haut la dimension sociale de l’exercice, c’est qu’il relève du sacré (à savoir ce qui unit et rassemble une communauté humaine). Par sa rareté et sa ritualité, le sacrifice de jadis ne banalisait pas la gravité de l’acte et encore moins la souffrance de l’animal… tout en essayant généralement de la réduire.

C’est donc avec cette base restreinte de réflexion historique et quelques interrogations de voyageur contemporain que j’essaie désormais d’aborder avec vous la question, en espérant que vos connaissances viendront abonder ces quelques lignes jetées sur la toile, dans un mélange de naïveté et d’ambition de catharsis collaborative.

 

Le végétarisme et les contextes environnementaux

Il est des endroits dans le monde où l’alimentation végétale est loin d’être abondante : demandez à un Inuit de se passer de viande… L’exemple ravira le malhonnête intellectuel qui se précipitera dans le raisonnement par syllogisme l’aidant à justifier que si l’Inuit mange de la viande, il n’y a pas de raison que le consumériste moderne ne puisse en faire autant.

Bref. Nul besoin de rappeler que dans la majorité des cas, la consommation de viande n’est pas indispensable. L’observation empirique de la survie de quelques-uns de mes proches congénères, convaincus de végétarisme voire de véganisme depuis plusieurs années, me suffit à ce stade.

Aucune radicalité, ni aucun extrémisme ne sauraient nourrir efficacement la réflexion. Nul besoin de produire une vérité, mère d’un autoritarisme universel par essence inefficace puisque déresponsabilisant.

 

Les facilités dérégulatrices

Au coeur de l’Afrique, chez les Hadzabe, peuple de chasseurs-cueilleurs, la difficulté du prélèvement réduit l’impact de la consommation carnée sur l’environnement tout en permettant le renouvellement des ressources et la cohabitation équilibrée des espèces. 

 

Je me souviens de cette éprouvante sortie d’une heure pour choper une tourterelle avec un arc et une flèche, puis se la partager à trois après avoir mis dix bonnes minutes pour démarrer un petit feu avec deux morceaux de bois.

 

Un contexte à mille lieues des risques de croissance démographique morbide ou des déforestations massives des fossoyeurs de la Nature et donc de l’Humanité au nom de la production industrielle de nourriture sensible…

 

Le végétarisme à travers les âges

Comme les Inuits ou les Hadzabe dont je viens de vous parler, nombre de peuples ancestraux avaient une base d’alimentation majoritairement carnée. Espérance de vie réduite ? Pas forcément, mais surtout… pas forcément un problème. 

De souvenir (non que je jouisse d’un âge canonique, mais pour avoir foulé de mes pas de bambin quelques sites paléolithiques du très Vieux Monde) les archéologues ont parfois exhumé des sujets de plus de 70 ans. Il va de soi que la variation des facteurs de risques létaux  d’une ère à l’autre écarte toute velléité de comparaison à la va-vite pertinente .

Quoi qu’il en soit, vivre jusqu’à cet âge devait être assez rare et surtout ne pas poser les mêmes problèmes qu’aujourd’hui. Dorénavant nous vivons certes plus nombreux, plus vieux et en meilleure santé. Croissance continue dans un monde fini… je vous épargne l’équation, la planète suffoque (sans mauvais jeu de mot avec les graisses animales riches en oméga 3 qui offraient la santé aux Inuits d’autrefois). 

 

De la métempsychose à angles droits, à la quadrature du darwinisme alimentaire

Pas fan des bêtes aux crocs acérés,  Pythagore ne voulait pas -selon Ovide bien sûr- que son âme pure s’abaisse à les imiter. Selon les croyances du mathématicien, il est fort possible qu’il craignit alors de croquer la réincarnation d’un proche.

Que l’habitant des rivages méditerranéens puisse se dispenser de tuer pour se nourrir aurait peut-être été un argument plus porteur que les angoisses mal digérées d’anthropophagie oedipienne, néanmoins un simple échange de regard avec tout être sensible peut nous inviter à la modération par la reconnaissance de son semblable.

Survolons ensuite la verticalité monothéiste médiévale qui plaçait l’homme au-dessus de l’animal et, sans l’ombre d’une contradiction conceptuelle, offrait à déguster d’élégants volatiles aux souverains et saigneurs de l’Eglise, puisque paons et cygnes se trouvaient par leurs attributs avant cuisson, plus près du ciel. 

Sacré boulot de réécriture, convenons-en, que de produire de la propagande syncrétique… mais bon, quand le brief de départ est d’adorer la souffrance d’un de nos semblables cloué à une croix, on ne va pas s’offusquer de bouffer ce qu’on vénère.

Logiquement, c’est à la Renaissance que la question de l’alimentation se remet en branle en même temps que le reste de la liturgie. N’est-ce pas l’incontournable Léonard de Vinci qui évoque dans son Codex les maladies causées par la consommation d’êtres tués ? Mémoire cellulaire de la souffrance, tiens tiens, on commence à rapprocher l’Arno du Gange… Karma quand tu nous tiens.

Spécialiste du sujet, Renan Larue est l’invité du groupe L214 Toulonnais pour parler du végétarisme au temps des philosophes le 30 août 2019 au 32 rue Chevalier Paul (La Jungle de l’Archipel)

Vient ensuite l’incontournable Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Rousseau y distille les notions de compassion et d’empathie sans distinguer les animaux du reste des êtres sensibles. De Locke à Voltaire, à cette époque on considère que les animaux sont tous nos frères et que se délecter de leur souffrance relèverait tout de même d’un sacré trouble psychique.

Et comme on est réputés être cohérents, mesurés et intelligents… et bah on a tout bien fait depuis…

 

Anthropophages par procuration ?

Humains trop humains… notre goût pour la démesure et l’automutilation, semble-t-il avéré par notre histoire et notre situation géopolitique, produit bien des dommages collatéraux. Par l’élevage, l’Homme produit des vies destinées à ses propres besoins artificiels. Il génère une souffrance superflue que la faim ne justifie plus… et qui dans ses excès, mène à la mise en danger de notre propre espèce. Excès dans la consommation individuelle, mais aussi et surtout excès à l’échelle sociétale dans la mesure où nos brillants cerveaux, autoproclamés sapiens par deux fois, n’ont toujours pas réussi à faire montre de capacités d’autorégulation.

 

 

 

Malades d’un monde malade dont nous entretenons la toxicité… nous est-il possible de renouer avec un cercle vertueux dans la mesure et la conscience ou les radicalités sont-elles les seuls ressorts de l’espoir ou du désespoir selon les humeurs ?

 

 

Nicolas Potier

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